Jules Verne, visionnaire ou simplement rêveur ?

Jules Verne, visionnaire ou simplement rêveur ?

Conteur, géographe, inventeur, voyageur du futur... tous les mots qui font rêver sont bons pour comprendre l’écrivain Jules Verne. Au XIX ème siècle son oeuvre, destinée aux jeunes, conquiert pourtant peu à peu un public plus large, en lui donnant le goût de l’anticipation.

C’est lui, le visionnaire tant vanté encore aujourd’hui, qui élabora la conquête de la Lune ou encore le sous-marin. Etait-il une sorte d’inventeur qui se contentait de rêver le futur ? A vrai dire, Jules Verne était un homme curieux, qui se tenait au courant des derniers progrès techniques et construisait ainsi ses histoires à partir des nouvelles
inventions.


Les premières années de sa vie, Jules Verne les passe à Nantes, sur l'île Feydeau, enserrée entre deux bras de Loire. Si Jules Verne ne voit la mer pour la première fois qu'à l'âge de douze ans, les îles, les ports, les bateaux, il connaît. Et ce seront les thèmes favoris de ses oeuvres. Ce ne sera que le XXe siècle qui donnera souvent corps aux songeries du môme nantais qui voulait s’embarquer autour du monde. Mais le rêve doit laisser place aux études. A 19 ans, il monte à Paris et passe un premier examen de droit. A la même époque sa passion pour le théâtre se révèle. Il nesait pas encore qu'il sera romancier, mais il sait une chose : il ne sera pas juriste. Il commence à écrire des pièces de théâtre. En 1848, après une première année d’études, il prépare son deuxième examen de droit. Paris devient pour lui un moyen de côtoyer les grands noms des cercles littéraires. Il rencontre Alexandre Dumas. Et de fil en aiguille, le 12 juin 1850, c’est la première d’une comédie en vers, les Pailles rompues, au Théâtre Historique. A partir de 1859, commence pour Jules Verne la longue époque des voyages.

Avec son ami Aristide Hignard il part en Écosse en 1860. L’année suivante, ils s’embarquent tous deux pour la Norvège et la Scandinavie.

Plus qu’une simple collaboration, une alchimie 1862 va être une année marquée par une rencontre décisive. L’éditeur Pierre-Jules Hetzel est charmé par le travail d’un écrivain inconnu et publie en 1863 Cinq semaines en ballon, le premier roman de la future série des Voyages extraordinaires. Le premier tirage est de 2 000 exemplaires... du vivant de l'auteur, il s'en vendra 76 000 (seul Le tour du monde en quatre-vingt jours fera mieux avec 108 000 exemplaires). Les Voyages extraordinaires représenteront au total 62 titres regroupés en 47 volumes. Nul doute que les Voyages extraordinaires sont en fait le résultat, plus que d’une simple collaboration, d’une alchimie entre les deux hommes, le sens commercial de l’un tempérant les fantaisies de l’autre. Dans ces Voyages Extraordinaires on croise un Jules Verne vaudevilliste plus qu’écrivain, géographe plus qu’homme de lettres, et surtout un homme de son temps, avec ses opinions et idées relativement conservatrices.

Moderne et en avance sur son temps, Jules Verne partage tout de même bon nombre d’idées reçues de ses contemporains. Voici donc un Jules Verne chauvin, antidreyfusard, partageant les stéréotypes antisémites en vogue à la fin du XIXe siècle et convaincu de la supériorité européenne (même si l’Indien anarchiste Nemo reste une énigme...) comme des bienfaits de la colonisation.

On l’a compris, Jules Verne entretient sa plume par son amour pour les voyages et surtout les croisières. En 1878 il fait une croisière en Méditerranée. Deux ans plus tard, il en fait une en Norvège, Irlande et Écosse. La même année il adapte Michel Strogoff pour la scène du théâtre du Châtelet. Il triomphe. Le savoir-faire du dramaturge et le faste des mises en scène à grand spectacle remplissent chaque soir, pendant des mois, les fauteuils du théâtre.

Finalement, Jules Verne doit sa gloire au théâtre, sa première vocation. Il enchaîne les croisières dans la Mer du Nord et dans la Baltique et encore une en Méditerranée. Machines et exploits hors du commun... l'oeuvre de Jules Verne regorge d'anticipations scientifiques et techniques. En 1886, son éditeur devenu ami décède. Les années qui suivent en font un homme important à Amiens, où il s’est installé avec sa femme. En 1888 il est élu conseiller municipal de la ville. A ce titre, l’année suivante, il fera un discours d’inauguration du Cirque d’Amiens.

En 1893 c’est cette fois pour la distribution des prix du lycée de jeunes filles d’Amiens qu’il fait un discours. Il meurt le 24 mars 1905, à la suite d'une crise de diabète, laissant plusieurs manuscrits dont la publication posthume sera, jusqu'en 1914, en partie assurée par son fils Michel. Ses obsèques attirent plus de cinq mille personnes et des centaines de messages sont adressés à la famille. Sa mort laisse les lecteurs comme orphelins, mais les esprits rêveurs. Exploration des fonds sous-marins, conquête de l'air et de l'espace, machines et exploits hors du
commun... l'oeuvre de Jules Verne regorge d'anticipations scientifiques et techniques. Demeure une question : si ses oeuvres ont été visionnaires, sont-elles aujourd’hui dépassées alors que les progrès techniques les ont rattrapées ?

En réalité, on se passionne toujours autant à lire son oeuvre dont l’imagination et la curiosité demeurent intemporelles, même si les rêves n’en sont plus. Même cent ans après, la pertinence de certaines de ses visions reste frappante, la naïveté de quelques autres aussi. Entre prévisions saisissantes et innovations avait-il imaginé être encore lu au XXI ème siècle ?